Gueï, qui se présente comme le « porte-parole » des insurgés, annonce la destitution du chef de l’État, la dissolution de l’Assemblée nationale (où le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, au pouvoir depuis l’indépendance, dispose d’une écrasante majorité), du gouvernement, du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême. « Les jeunes mutins se proposent de vous présenter un Comité de salut public de la République, dont la composition sera annoncée dans les heures qui suivent », déclare-t-il. Un Comité national de salut public (CNSP) de neuf membres – tous militaires – sera effectivement constitué dans la journée.
Dans les rues d’Abidjan, l’explosion de joie est immédiate : « Bédié est tombé ! Gueï président ! » hurle la foule. Ici et là, des femmes exécutent un mapouka endiablé. Dans les quartiers populaires, la bière coule à flots. Des soldats se rendent à la Maca, la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. Après avoir défoncé le portail, ils libèrent les responsables et militants du Rassemblement des républicains (RDR, opposition libérale, le parti de Ouattara) incarcérés depuis le mois d’octobre. Des milliers de droits communs, parmi lesquels de dangereux criminels, en profitent pour se faire la belle. On relèvera plusieurs dizaines de morts, piétinés ou étouffés dans la bousculade
Le pouvoir est dans la rue. Et l’ambiance sur les ondes de Radio Nostalgie, qui participe, à sa façon, au mouvement. Dans ce pays jusqu’ici épargné par le pouvoir kaki, la station préférée des mutins diffuse du reggae, du rap, bref, comme le reconnaît l’un de ses responsables, de « la musique de contestation ». « Plus jamais ça, on ne veut plus de ça », fredonne Fadel Dey, à l’antenne. « Promesses annoncées, promesses oubliées. L’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé. Xénophobie, corruption, voici le lot quotidien », enchaîne Tiken Jah. Alpha Blondy, le rastaman favori de Treichtown – et le plus célèbre des artistes ivoiriens –, est, bien sûr, de la partie. Serge Kassy aussi. L’un et l’autre dénoncent la dictature, les pratiques d’exclusion ethnique... On nage en pleine révolution culturelle.
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