C’est un reportage publié dans l’hebdomadaire « Le Nouvel Observateur », dans son édition du 12 mai 2011. C’est le premier article de la « grande presse » hexagonale qui évoque une expression que nous utilisons, pour notre part, depuis le 2 avril 2011, c’est-à-dire avant la capture de Laurent Gbagbo. Extraits d’un article qui devrait être envoyé à Nicolas Sarkozy, qui se prépare à aller faire une « méga-teuf » avec un homme dont les troupes se sont rendues coupables de crimes se rapprochant de plus en plus d’actes de génocide.
« 1000, 2000, 3000 morts ? On ne sait pas. Mais la grande tuerie de Duékoué a duré toute une semaine, dans la ville, les villages, la brousse. Accusées : les Forces du Nord du président Ouattara qui ont lancé leurs supplétifs à l’assaut.
Jean-Paul Mari a reconstitué sur place la mécanique d’une bataille qui a tourné à l’épuration ethnique.
« Dans l’église incendiée du quartier Carrefour, il faut marcher entre les cadavres encore frais d’hommes abattus à bout portant, découpés à la machette ou la gorge tranchée, à même le sol, mains liées dans le dos, comme des animaux de ferme. Il y avait un quartier, une population de 10 000 personnes, il ne subsiste plus grand-chose d’humain.
Sinon l’église Jésus-Christ Sauveur, carbonisée, les maisons noircies, les allées défoncées en terre ocre, le sol noir couvert de gravats et de vêtements sales, dispersés. »
« Tuer, tuer, tuer, la solution est toujours la même. La solution à quoi ? D’abord à un conflit politique. Entre les Forces du Nord, ex-rebelles devenus l’armée du nouveau président Ouattara, et les Forces du Sud, l’armée du président Laurent Gbagbo. Une solution aussi au conflit ethnique qui oppose les Malinkés ou Dioulas du Nord et les Guérés du Sud. Une solution, enfin et surtout, au conflit foncier, la terre pour la terre, la guerre dans la guerre, pour un village, une ferme, un champ de cacao. Tuer l’autre, le grand propriétaire, le fermier, c’est laisser la terre vide, comme un cimetière fertile, à prendre là, maintenant. Un conflit politico-militaire et la revanche des métayers, cela suffit pour justifier le massacre des innocents. Cela s’appelle une épuration ethnique« .
« Carrefour est le premier quartier sur leur chemin. Ils encerclent les maisons. Les hommes sont triés, leur carte d’identité examinée. Un nom malinké : la vie sauve. Une carte d’identité ivoirienne, un nom guéré : une balle dans la tête. Dehors les femmes sont à genoux. « Ils nous forçaient à chanter leur gloire, à répéter : « Guerriers ! Guerriers ! », dit Julie, une habitante.
Les assaillants se divisent en trois groupes : « Les tueurs, les pillers et les gâteurs…
Les gâteurs, c’est ceux qui arrosaient nos maisons d’essence avant de mettre le feu. » Un curé et ses enfants de chœur sont surpris devant l’église : « Quel est ton parti ? – Le parti de Jésus-Christ. – Jésus-Christ ? C’est pas un parti » Ils sont abattus. Au milieu des cris et des explosions, les assaillants insultent leurs victimes : « Vous avez voté Gbagbo ! Traîtres ! » Et les anciens métayers exultent : « Vous nous avez pris pour des domestiques. Nous sommes revenus en maîtres. Nous prendrons vos femmes, vos terres, vos champs. Et vous mangerez de la boue ! » Et ils tuent. »
Les tueurs « A Bahé-B, à quelques kilomètres de Duékoué (…) au troisième jour des massacres, les tueurs ne trient plus leurs victimes. « Ma femme, Félène, mes jumeaux de 4 ans et demi, mon fils de 2 ans… Ils ont tué neuf personnes de ma famille », dit Denis. Couché dans les herbes hautes, paralysé, en sang, Denis entend l’appel au secours de sa nièce, sa fille adoptive, âgée de 13 ans : « Papa ! Au secours ! Ils sont en train de me violer! » Denis aperçoit plusieurs hommes autour de l’enfant, les cris durent une éternité. Puis ils cessent. Et Denis découvrira le corps de sa nièce, abattue d’une décharge dans la poitrine. »
« Parfois, même le père Cyprien sent le courage lui manquer. Surtout dans la nuit noire, quand il entend les rôdeurs assassins continuer à hurler des menaces sous le nez des survivants : « On vous tuera jusqu’au dernier ». Oui, le père Cyprien tremble lui aussi. »
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Ces photos-ci et les légendes qui indiquent clairement que ce sont les hommes de Ouattara qui ont massacré entre 2000 et 3000 Guérés à Duékoué, visent à dire clairement que, quoi qu’ils pensent, quoiqu’ils disent, ils savent déjà comment tenir Ouattara, Soro et tous leurs gens par la barbichette.
En tout cas, voici les photos publiées par un journal français, le Nouvel Observateur. Puisqu’ils ont été prompts à piller et à détruire les journaux proches du pouvoir Gbagbo, que vont-ils faire contre les journaux de leurs maîtres les Français qui disent à la face du monde entier ce qu’ils ont fait, continuent de faire et qu’il est risqué de dénoncer quand on vit sur les bords de la lagune Ebrié ?
28, 29, 30 mars 2011… Les forces du nord de Ouattara lancent leur grande offensive contre le sud en direction d’Abidjan pour déloger le président Gbagbo. Une des premières grandes villes conquises est Duékoué dans l’Ouest du pays, un verrou stratégique entre le Nord et le Sud.
Après la bataille, commencent les grands massacres de Duékoué. Les supplétifs de l’armée, des chasseurs traditionnels Dozos, des miliciens, des hommes portant treillis et des soldats en uniforme, vont investir la ville et les villages environnants. Ils trient la population et abattent ceux qui appartiennent à l’ethnie Guéré, favorable au président. Les meurtres, les viols, les pillages vont durer toute une semaine et vont faire des milliers de victimes.
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