Pour des raisons de sécurité – on peut être amené à ramper –, les soldats demandent, poliment mais fermement, à Henriette Bédié de se changer. Elle s’isole un moment et revient vêtue d’une paire de jeans et chaussée de tennis. Brusquement, elle éclate en sanglots, se ressaisit et prend place dans l’appareil à côté de son mari. Ému, un soldat français ramasse une poignée de terre qu’il tend à Patrick Bédié, qui est accompagné de sa compagne, Aïcha, une ancienne Miss Côte d’Ivoire : « Emportez ça en souvenir ! » Suivent Jean-Luc, son épouse Diana et leur enfant, puis Lucette et ses deux enfants, et Isabelle enfin.
À 13 h 10, le premier hélicoptère met le cap sur l’Océan, aussitôt imité par le second, où ont pris place des militaires français. Direction : le Togo, qui a accepté de recevoir le président déchu. La Côte d’Ivoire vient de tourner une page de son histoire.
Au sol, le chef du gouvernement reste prostré et ses ministres tremblent à l’idée d’être expulsés de la base française et de tomber aux mains du nouveau pouvoir. « Gueï ne me pardonnera pas de l’avoir débarqué de la tête de l’armée en 1995. Les militaires n’hésiteront pas à me faire la peau », laisse échapper Bandama Ngatta. Les autorités françaises, grâce à l’intervention personnelle de Jacques Chirac, finiront par obtenir que les deux hélicos soient autorisés à revenir, dans la nuit de dimanche à lundi, pour embarquer les infortunés ministres et les conduire dans la capitale togolaise. Ils seront accompagnés de Parfait, l’intendant de la résidence privée de Bédié, du Dr Chatigre, son médecin personnel, de Franck Ouffouet, son valet de chambre, du colonel Ange Kouassi, le responsable de sa sécurité, du commandant Lazare Kouamé Koffi, son aide de camp, ainsi que de deux membres de sa garde personnelle.
En revanche, l’homme qui, grâce à son entregent et à ses relations, a tout organisé a choisi, pour sa part, de rester à Abidjan. Il s’agit de l’ambassadeur Georges Ouégnin. Après avoir conduit Félix Houphouët-Boigny à sa dernière demeure, le directeur du protocole d’État (depuis 1961) vient donc de conduire Henri Konan Bédié sur le chemin de l’exil. Homme de fidélité et de devoir, il a été consacré « meilleur serviteur de l’État », le 1er mai dernier, par une centrale syndicale proche de l’opposition. Sa mission accomplie, Ouégnin est rentré tranquillement chez lui. Avant de reprendre du service, quelques jours plus tard, dans son bureau du rez-de-chaussée du palais présidentiel, étonnamment préservé du saccage par les mutins
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