En 2001, j’étais membre d’une délégation internationale supervisée par l’ONU et composée de cinq parlementaires provenant d’autant de pays, mise sur pied aux lendemains de l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo en octobre 2000.
La délégation avait pour mission de faire le point sur la situation en rencontrant divers intervenants du monde politique, syndical, diplomatique, religieux, groupes de pression et autres, jusqu’au président Gbagbo lui-même. Sans doute à cause du traitement médiatique local et international, c’est avec un préjugé défavorable au président Gbagbo que j’arrivai en Côte d’Ivoire.
La rencontre avec le président Gbagbo fut pour moi déterminante. Lui, que tous identifiaient comme étant le responsable de tous les problèmes de son pays, m’est apparu comme un homme bon, qui répond honnêtement aux questions, même aux plus insidieuses, un humaniste qui veut le bien de son peuple - et celui de toute l’Afrique - et qui désire avant tout ramener la paix et la réconciliation nationale. Mais c’est lors d’une rencontre de la délégation avec une vingtaine d’ambassadeurs que l’hypothèse d’un complot m’est apparue.
En effet, j’ai vu et entendu les membres de cet aréopage dénigrer, voire diaboliser le président de la République, élu démocratiquement, en le traitant comme un indésirable, un trouble-fête dont il faut se débarrasser parce qu’il refuse de s’incliner et de se comporter, comme le disent les Africains, en « chef d’État-paillasson ».
Aussi, cet officier de l’ambassade des Pays-Bas qui me glissa à l’oreille : « Sachez, monsieur le député, que dans un an d’ici, Gbagbo ne sera plus là ! ». Nous sommes alors en 2001 et aucune élection présidentielle n’est prévue avant 2005 !
Environ 18 mois plus tard, le 19 septembre 2002, survenait un coup d’État militaire... Rapidement chassés d’Abidjan, les rebelles se replient en force dans le nord du pays dont ils prendront le contrôle. Ce sera la partition.
Mais pourquoi toute cette hargne envers Gbagbo ? Parce que les Occidentaux n’en ont que pour un autre candidat à la présidence, fidèle serviteur des intérêts occidentaux, tant à titre d’ex-premier ministre de la Côte d’Ivoire, imposé par Paris, qu’à celui d’ancien haut dirigeant du FMI. Cet homme, c’est Alassane Ouattara. Jouissant d’une fortune personnelle importante, il est connu des milieux financiers, politiques et médiatiques d’Europe et d’Amérique.
Proche, et semble-t-il parrain des rebelles, Ouattara peut compter depuis 2002 sur l’appui des présidents Chirac et Sarkozy, lui qui parle même de son « ami Ouattara », qui feront tout pour amener l’ONU à légaliser la présence des rebelles hors-la-loi, allant même jusqu’à les ennoblir en 2004 du titre de « Forces nouvelles » (FN).
Jamais, malgré plusieurs engagements en ce sens, les rebelles n’ont accepté de rendre les armes et jamais ils n’y ont été contraints, ni par la France, ni par l’ONU. Malgré ce contexte, Gbagbo est forcé, en 2010, de déclencher des élections présidentielles marquées, dans le nord, par de nombreuses malversations et violences, d’ailleurs reconnues par le représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire, sans que jamais la communauté internationale ne soit tentée de faire la lumière et de connaître la vérité. Petit exemple : dans le nord, dans environ 2200 bureaux de scrutin, le nombre de votants dépasse le nombre d’électeurs inscrits et dans plusieurs cas aucun vote en faveur de Gbagbo n’est enregistré, même pas ceux de ses deux représentants !
Les tensions résultant de ce contexte postélectoral, où deux candidats se disent présidents, risquent de dégénérer en un terrible bain de sang. Pour tenter de remédier à cette situation, l’Union africaine (UA) a récemment décidé de mettre sur pied un panel regroupant les chefs d’État de cinq pays africains.
Espérons que cette nouvelle mission parviendra à faire connaître la vérité sur les événements qui se sont déroulés avant, pendant et après ces élections présidentielles.
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L’auteur, Yves Rocheleau, a été député fédéral de Trois-Rivières de 1993 à 2004.
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