On dit d’un crime de guerre toute action militaire qui aurait pour objectif la destruction matérielle ou humaine.
Pourtant, selon Ernest Hemingway : «qu’elle soit nécessaire, ou même justifiée, ne croyez jamais que la guerre n’est pas un crime».
Au-delà de cette appréciation essentiellement philosophique et morale, y a-t-il eu de façon légale crime de guerre en Côte d’ivoire de la part de la France?
La notion de crime de guerre a été établie pour éviter lors d’affrontements militaires les excès qui entraînent la barbarie. Par excès de barbarie on cite les actes de cruauté, les actes qui montrent des gestes d’inhumanité, les actes d’atrocité ou de brutalité qui illustrent des formes de sadisme.
Les images prises lors des attaques des troupes françaises de la licorne et celle de la rébellion de Guillaume Soro et d’Alassane Ouattara montrent à suffisance des formes avérées de barbarie. Il y a eu assassinats de personnes civiles sans défense et des militaires désarmées sous forme d’exécutions sommaires par des armes ou par la torture.
D’après les accords internationaux, notamment le Statut de Rome (les 59 alinéas de l’article 8[1]), qui régissent les compétences de la Cour pénale internationale (CPI) et ceux des Conventions de Genève qui imposent des contours d’humanismes dans les conflits armés, on a généralement établi comme crime de guerre, les cas où une des parties en conflit s’en prend volontairement à un objectif non-militaire à savoir, les civils, les prisonniers de guerres et les blessés ou des tueries qui s’apparentent à des punitions données collectivement à des individus.
Pour cela, il faut comprendre par objectifs non militaires les personnes ou les structures qui ne sont pas impliquées à l’effort soutenu de la guerre. Ainsi, tout bien qui par sa nature, son emplacement, sa destination ou son utilisation apporte une contribution effective à l’action militaire effective et offre un avantage militaire précis peut être considéré un objectif militaire.
Subséquemment, si une station de radio sert à diffuser de l’information pour le ralliement des militaires elle peut être considérée un objectif militaire. Tout comme une caserne ou un camp militaire dans lequel sont logés des militaires prenant part de façon effective au conflit armé.
De ces deux exemples, on pourrait dire que la télévision ivoirienne et les camps militaires des forces de sécurité ivoiriennes sont des cibles militaires légitimes selon l’état-major de l’armée française en Côte d’ivoire. Les ondes de la télévision en servant à mobiliser les troupes pour aller au combat participaient à l’effort effectif de la guerre; également, les casernes étant un lieu de rassemblement des militaires prenant part à la guerre participaient à l’effort de guerre.
Mais voilà, que ça soit la télévision ivoirienne ou les casernes militaires, plusieurs civils qui n’ont pas pour fonction ou occupation la guerre, particulièrement les enfants et les femmes des militaires qui étaient dans les casernes ou les journalistes qui faisaient leur travail dans la station de télévision, ont été considérés des cibles militaires.
Pour contrer l’adversaire, l’armée française dans son absolue volonté d’arracher le pouvoir à Gbagbo a cherché de façon absolue à détruire ces cibles et à causer la destruction des biens non militaires et provoquer la mort de nombreux civils. L’armée française trouve réconfort de considérer ces destructions et ses morts comme des dommages collatéraux.
En reprenant à notre compte les reproches faits par Amnistie internationale à l’armée israélienne sur ses bombardements au Lyban qui ont causé la pertes de nombreux civils, on a de bonnes raisons de penser, que, loin d’être des «dommages collatéraux» c’est-à-dire des dommages aux civils et aux biens de caractère civil causés incidemment par des attaques contre des objectifs militaires, la destruction de la télévision ivoirienne, des casernes, des bombardements des lieux civils tels que des habitations étaient délibérés et faisaient partie intégrante de la stratégie militaire de conquête du territoire et de la recherche de domination militaire et politique.
L’armée française explique qu’elle n’a pas visé des civils mais des combattants, donc des cibles militaires et que les dommages causés aux civils et aux infrastructures non militaires n’étaient pas souhaités. Pourtant, nous savons que si dans la stratégie d’attaque militaire, il est établi que deux édifices d’un quartier résidentiel abritent des combattants, le bombardement de tout le quartier est interdit car injustifié légalement.
Par ailleurs, même si les attaques ne visent que deux bâtiments occupés par des militaires et qu’ils causent des morts importants des personnes non ciblées par les attaques, ces attaques sont disproportionnées, donc également prohibées. Ce sont celles dans lesquelles les «dommages collatéraux» sont considérés excessifs par rapport à l’avantage militaire direct qui est attendu.
Les bombardements de la présidence dans laquelle l’armée française savait se trouver des milliers des civils désarmés étaient des attaques militaires indiscriminés qui recherchaient pour l’essentiel la mort ceux qui s’y trouvaient sans égard à leur statut: militaire ou non, armé ou non armé.
« Si affaiblir la volonté de lutte pacifique d’une partie de la population civile était considérée un objectif», les attaques de la licorne avaient pour but de donner la mort à tous ceux soutenaient Laurent Gbagbo. Comme ’il y avait parmi ces soutiens des personnes civiles non armées et qu’il convenait de les éliminer pour ôter tout résistance pour éliminer Laurent Gbagbo du pouvoir, ces attaques sont des exécutions sommaires, des crimes de guerre.
En 1945, le procès de Nuremberg, chargé après la Seconde Guerre mondiale de juger les criminels et organisations nazis, définissait le crime de guerre dans la Charte de Londres comme suit :
« Assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et des villages, ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires. »
Cette définition permet de répondre par l’affirmatif à notre question de départ. Bien qu’elle soit de portée générale, cette définition circonscrit le cadre à l’intérieur duquel la responsabilité directe et indirecte de l’armée française peut être engagée dans les massacres intervenus en Côte d’Ivoire avant, pendant et après les activités qui ont amené au kidnapping de Laurent Gbagbo.
Joël Mbiamany-N’tchoreret
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