18 juni 2011 kl. 14:32
Renversé le 11 avril 2011, arrêté et conduit de sa résidence au Golf Hôtel d’Abidjan, le président Laurent Gbagbo a été transféré et vit en résidence surveillée à Korhogo depuis le 13 avril. Dans cette ville, il a reçu par deux fois le nouveau procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio. L’audition que l’inquisiteur de l’Etat a entamée a permis au chef de l’Etat vaincu par les armées française et onusienne de dire quelques vérités crues, dans le style qu’on lui connait.
On en sait désormais un peu plus, depuis fin mai 2011, sur les griefs du nouveau chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, et de ses parrains françafricains contre le président militairement renversé le 11 avril. L’essentiel de la teneur des premiers chefs d’accusation contre le président déchu a été, selon nos sources, assez claire au bout des deux rencontres consacrées à ce que la nébuleuse communauté internationale et ses amis ont qualifié « d’audition » du président Laurent Gbagbo.
Le nouveau procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio, aurait craché le morceau, sous l’effet d’une colère mal contenue. « …Monsieur Laurent Gbagbo, suite au deuxième tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, la Commission électorale indépendante (CEI) a proclamé les résultats provisoires donnant gagnant le candidat Alassane Ouattara. Ces résultats ont été certifiés par le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire. Ils ont été reconnus par la CEDEAO, l’Union africaine, la France, les Etats-Unis et par l’ONU. Pourquoi avez-vous refusé de reconnaître ces résultats ? Pourquoi vous êtes-vous accroché à ceux prononcés en votre faveur par le Conseil constitutionnel ? ». Telle serait, pour l’essentiel, la trame des délits reprochés au président Gbagbo et qui lui valent sa détention en résidence surveillée à Korhogo, chef lieu de la région des Savanes, fief d’Alassane Ouattara, à 700 km d’Abidjan dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Tel pourrait être aussi le justificatif de la guerre faite par la France et l’ONU à l’Etat souverain de Côte d’Ivoire, membre de l’organisation planétaire. De toute évidence, il se met en place une « justice des vainqueurs » de la guerre contre le régime Gbagbo. Cette justice sélective considère que les violences meurtrières en Côte d’Ivoire datent uniquement du refus du chef de l’Etat renversé d’accepter le « résultat » provisoire de la présidentielle.
Toujours selon nos sources, à cette question posée par le procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio, le président Gbagbo, à son aise, a entamé ses propos par un préalable : « Monsieur le procureur de la République, je voudrais tout d’abord vous faire remarquer que la question que vous posez est liée à la gestion des affaires de l’Etat par le président de la République, chef de l’Etat que j’étais. Du 26 octobre 2000 au 11 avril 2011, j’étais bien le chef de l’Etat de Côte d’Ivoire, puisqu’aucun autre président n’avait encore prêté serment. Alors, en tant que chef de l’Etat sur la période que vous évoquez, la Constitution ivoirienne vous met dans l’incapacité absolue de m’auditionner. Seule, la Haute Cour de justice est habilitée à le faire… ».
Les débats ainsi ramenés au bon droit dans la République, le président Gbagbo, selon nos sources, aurait déclaré que l’audition pouvait être bloquée à ce stade de l’incapacité constitutionnelle du procureur de la République à poursuivre sa mission. Mais le président renversé a jugé nécessaire de s’entretenir sur ce sujet précis avec l’inquisiteur de l’Etat. Après tout, expliquent nos sources, Simplice Koffi Kouadio n’est-il pas un Ivoirien qui a besoin de connaître, même pour sa propre information, le point de vue du président Gbagbo sur les évènements qui ont eu cours du dimanche 28 novembre 2010 au lundi 11 avril 2011 ? L’audition était déjà terminée, bloquée par la Constitution, mais la « causerie » pouvait être ouverte : « Voyez-vous, Monsieur le procureur de la République, aurait dit en substance le président Gbagbo, j’ai été arrêté le 11 avril non pas parce que j’ai perdu les élections et que je refusais de le reconnaître, mais parce que j’ai perdu la guerre contre la France. Or, cette guerre, la France nous l’a faite sans avoir eu l’honnêteté de la déclarer officiellement à mon pays, comme le prévoient les conventions et lois internationales ». Le chemin vers la compréhension des évènements venait d’être dégagé. Le président Gbagbo pouvait alors informer son interlocuteur sur les incohérences de la Communauté internationale qui ont abouti au coup d’Etat du 11 avril : « Oui, le 28 novembre 2010, il y a eu le deuxième tour de la présidentielle. La CEI a été incapable de proclamer les résultats provisoires et je ne reconnais pas les « résultats » certifiés et soutenus par la Communauté internationale. Mon adversaire s’accroche à cela et dit qu’il a gagné. Moi, je me fie au Conseil constitutionnel, le juge suprême des élections qui dit que j’ai gagné. Cela entraine un conflit électoral comme il en existe partout dans le monde. Pour éviter que ce conflit électoral débouche sur la guerre civile, je réclame le recomptage des voix pour rétablir la vérité des urnes. Cela a été fait en Haïti juste avant notre élection à nous. Or, en Côte d’Ivoire, on a refusé le recomptage des voix pour préférer la guerre. Qu’est-ce que l’on a voulu nous cacher ? En tout cas, moi, je continue de dire que j’ai gagné l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, mais nous avons été vaincus par l’armée française ».
Tel aurait été l’essentiel des échanges entre le président Gbagbo et le procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio. Et depuis cette « audition », les avocats du président renversé s’organisent pour un procès qu’ils essaieront d’extraire du chemin des mensonges, des dissimulations et des non-dits pour qu’éclate les vérités, toutes les vérités sur ce simple conflit électoral que l’on a transformé en guerre planétaire en Côte d’Ivoire. Avec « 3.000 morts ! », selon le nouveau chef de l’Etat, le grand bénéficiaire.
Source : Notre voie du16/06/2011 (Auteur : Cesar Etou)
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